Si Saint-Eustache m'était conté!
Un ancien président de la Société d'Histoire régionale de Deux-Montagnes disait récemment dans une conversation avec un membre de l'équipe éditoriale: «Les grandes lignes de l'histoire de Saint-Eustache sont maintenant entièrement connues; il ne reste qu'à en fignoler certains détails». Quiconque a le moindrement fouillé les archives disponibles peut se rendre compte à quel point celui-ci se trompait, même s'il s'agit d'un personnage mieux informé que la plupart des résidents du pays des Deux-Montagnes.
À titre d'exemple, qui sait combien de moulins à eau la seigneurie de la Rivière-du-Chêne a vu fonctionner sur ses rives? Bien des amateurs soit-disant férus d'histoire locale seraient embarrassés d'avoir à les identifier. La rivière du Chêne en a fait tourner au moins six sur le seul territoire de Saint-Eustache et la rivière du Chicot au moins trois. Et encore, il s'agit là de sites plus que de moulins. Si on compte en effet les reconstructions, on arrive à un total d'au moins douze moulins pour ces seules deux rivières. Et on pourrait ajouter les nombreux moulins qui ont été opérés sur la rivière des Mille-Îles, au lieu dit du Grand-Moulin, ainsi qu'un autre moulin, construit sur la rivière du Chêne, qui n’a jamais fonctionné.
Comme autre exemple, mentionnons les événements de décembre 1837. Chaque famille se réclame un passé glorieux en vantant tel ancêtre qui aurait été patriote. Mais qu'en était-il vraiment? Malgré que plusieurs considèrent l'histoire de cette période comme limpide et bien connue de tous, de nombreux documents d'époque pourraient en surprendre plus d'un.
L'objectif de la Revue des Deux-Montagnes est d'apporter un éclairage nouveau sur l'histoire de notre région, à partir des nombreux documents d'archives disponibles, parfois méconnus, souvent mal exploités jusqu'ici. Il s'agira pour nous non pas de recopier et de réchauffer des historiettes que la tradition populaire véhicule, souvent à tort, depuis des années. Sans être présomptueux, nous visons la réécriture scientifique de notre histoire, basée sur des sources sérieuses et indéniables.
Ne nous le cachons pas, l'histoire de Saint-Eustache écrite jusqu'ici ne s'est pas faite selon les règles de l'art. Les sources principales des chroniqueurs ont été les quelques volumes écrits entre la fin du siècle dernier et le début du présent siècle sur les patriotes, par De Celles, Fauteux, Carrier, Dubois et Globensky. Mais ceux-ci respectaient-ils les règles modernes du chercheur en histoire? N'avaient-ils pas plutôt quelque message à faire passer? La relecture des documents originaux nous porte souvent à une toute autre interprétation que celle de ces auteurs. Cet épisode des patriotes n'est qu'un exemple parmi d'autres.
La genèse de la Revue des Deux-Montagnes s'est faite sur une longue période. Depuis des années, quelques chercheurs regrettaient l'absence d'un médium adéquat de diffusion des connaissances en histoire régionale. Plus récemment, des citoyens ont même déploré publiquement le manque d'information historique sur Saint-Eustache.
Les Cahiers d'Histoire de Deux-Montagnes, florissants à la fin des années 70 et durant les années 80 n'ayant pas survécu aux déboires de la Société qui les publiait, il est apparu nécessaire d'établir un nouveau médium pour faire progresser nos connaissances. C'est donc ainsi qu'est né ce projet d'une Revue des Deux-Montagnes, consacrée à l'histoire et au patrimoine du territoire de l'ancienne Seigneurie de la Rivière du Chêne.
Certains diront que le temps n'est peut-être pas propice au lancement d'une nouvelle revue. Notre région n'a, après tout, qu'un bassin limité de lecteurs potentiels. Autre contrainte, l'ère n'est plus, comme il y a vingt ans, aux subventions multiples et généreuses dont pouvaient profiter tous ceux qui voulaient diffuser la culture du Québec.
À notre secours, pourtant, est venue la technologie. L'ordinateur permet aujourd'hui la micro-édition, pour des tirages limités, de produits de grande qualité technique jadis hors d'atteinte, sinon à coûts exhorbitants. Voici donc le résultat, dans son premier numéro, que nous vous présentons ici.
Dans une première étape, nous prévoyons publier trois numéros par an. Afin de pouvoir mieux planifier notre tirage, la Revue sera rendue disponible par abonnement annuel. De l'encouragement des lecteurs qui choisiront de devenir des abonnés dépendra donc l'avenir de notre projet.
Chaque numéro de la Revue des Deux-Montagnes aura un thème principal. Dans une première partie, deux ou trois articles de fond étudieront des aspects de ce thème qui sera, bien entendu, relié à l'histoire de la région des Deux-Montagnes. Une seconde partie de chaque numéro sera composée d'un article relatant l'histoire d'un immeuble ou d'un site historique de Saint-Eustache et de ses environs, ainsi que d'un article biographique sur un personnage pertinent de notre histoire locale. À l'occasion, d'autres études viendront compléter ce noyau de base.
Dans cette première parution, nous entreprenons une revision de l'histoire de nos moulins, qui se poursuivra sur quelques numéros. Nous commençons par deux des moins connus. D'abord le moulin de la Dalle de la Grande-Côte, situé à l'embouchure de la rivière du Chicot ou, comme on l'appelait au dix-huitième siècle, la rivière aux Chicots. Puis le moulin Lauzon, situé sur la côte du sud de la rivière du Chêne, à l'entrée de la Fresnière.
Dans un prochain numéro, nous amènerons un éclairage nouveau sur les moulins les plus connus (croit-on!), soit le Petit-Moulin de la rivière du Chêne et le Grand-Moulin situé à la décharge du Lac des Deux-Montagnes. Seront aussi traités les moulins du Chicot, jadis situés sur le territoire de la paroisse de Saint-Eustache et plus tard rattaché à la paroisse de Saint-Augustin, ainsi que les autres moulins de la seigneurie, dont celui du Bois-Blanc, à la Fresnière.
Voilà pour notre premier thème. Le lieu historique étudié dans ce numéro est la terre de Jean-Olivier Chénier qui, à l'aube des événements de 1837, n'habitait pas à l'endroit désigné par la croyance populaire. Sa ferme était en effet située dans la côte du Lac, longeant le côté ouest de l'actuelle rue Féré, de la rivière des Mille-Îles à la rivière du Chêne, soit la terre numéro 51 au cadastre de la paroisse de Saint-Eustache.
Quant au personnage qui fera l'objet d'une première biographie, il est aujourd'hui peu connu, même si l'histoire aurait dû lui réserver une meilleure place dans la mémoire collective, vu son rôle dans l'évolution du commerce de notre pays, particulièrement dans la traite des fourrures. Il s'agit de Hugh McGillis, bourgeois de la Compagnie du Nord-Ouest et, pour un certain temps, habitant de Saint-Eustache.
Tous les collaborateurs de la Revue des Deux-Montagnes ont déjà individuellement une expérience reconnue dans l'étude des fonds d'archives relatifs à notre région. Une dissection systématique de ces fonds sera donc à la base de tout article de la Revue, afin de nous assurer que tous les éléments pertinents au sujet ont été étudiés. Pour le lecteur qui voudra retourner aux sources d'époque, ou pour celui qui doutera de nos assertions, chaque article comportera une référence aux documents originaux.
À l'équipe de base viendront se greffer dans les prochains numéros d'autres collaborateurs, qui ont d'ores et déjà manifesté un intérêt enthousiaste pour une telle entreprise.
Voilà donc notre projet, à vous d'en juger le résultat.
Ce document fait partie d'un ensemble de plus de 1000 pages que l'on consulte en cliquant La Revue des Deux-Montagnes qui se trouve à la section «Histoire, 1837» du menu déroulant au haut de la page. |