Journal La Concorde, mercredi le 8 mars 2006
Témoin de la bataille de Saint-Eustache
Émilie Berthelot: femme d’exception
par Josianne HASPECK
Émilie Berthelot-Girouard fait partie de ces femmes qui ont voué leur vie à la liberté des leurs.
Il y a de ces femmes qui ont voué leur vie à la liberté des leurs. Bien avant de profiter de leurs droits légitimes, elles ont dû se battre pour leur famille, leurs amis et leurs convictions. Émilie Berthelot-Girouard est de celles-là.
Patriote de Saint-Eustache née le 1er août 1816, Émilie a contribué à l’histoire des Québécois d’aujourd’hui.
Lors des rébellions de 1837, elle se joint aux filles du docteur Jacques Labrie pour fondre divers objets métalliques et en faire des balles. Parce que son père, le notaire Joseph-Amable Berthelot, était un ancien chef des Patriotes, sa famille se voit menacée de voir sa maison (située là où se trouvent aujourd’hui les Cours du Moulin) incendiée. Elle se réfugie alors à la ferme de Joseph Rochon, établie près de la jonction du chemin de la Grande-Côte et de la 12e Avenue.
C’est à cet endroit, le 14 décembre 1837, jour de la bataille de Saint-Eustache, que la jeune femme voit l’armée du général Colborne se diriger vers le village de Saint-Eustache. Tenant alors un journal personnel, elle y inscrit en détail la marche des soldats, les chariots de munitions et les canons. On peut également y lire la description des Patriotes tués et faits prisonniers. Témoin oculaire important, elle fait partie de ceux qui ont pu voir le cœur du chef patriote, Jean-Olivier Chénier, exposé dans une fenêtre de l’auberge Addison où était l’infirmerie, située à la Banque Nationale du Vieux-Saint-Eustache.
Émilie Berthelot a la fibre patriotique. Elle le prouve une fois la bataille terminée lorsque les volontaires de Montréal du capitaine Leclerc se pointent à la ferme Rochon pour faire son père prisonnier. Pour le sauver, elle suit les militaires jusqu’au village et réussit à le libérer en négociant avec eux en anglais, langue que son père lui a enseignée.
Au lendemain de la bataille de Saint-Eustache, l’armée du général Colborne et des volontaires d’Argenteuil envahissent le village qui est pillé et incendié. La population en sort appauvrie. Le 30 avril 1851, Émilie Berthelot se marie au notaire Jean-Joseph Girouard, de Saint-Benoît. Notamment grâce à l’indemnité de 3 996 $ que son époux reçoit pour les dommages subis à Saint-Benoît, Émilie Berthelot et lui font construire l’Hospice d’Youville, en 1853. Selon l’historien André Giroux, qui a effectué plusieurs recherches sur les Patriotes de la région, il s’agirait d’un des premiers du genre pour l’ancien comté de Deux-Montagnes.
Après le décès de son mari, elle poursuit son œuvre à cet hospice destiné au soin des enfants et des vieillards pauvres ainsi qu’à l’éducation des jeunes filles. Les Sœurs Grises de Montréal s’y installent en 1854. Un second édifice, le couvent Youville, est érigé en 1878 en remplacement de l’hospice.
La vocation de la maison s’est modifiée selon les besoins des époques: l’enseignement primaire, secondaire, ménager, formation de professeurs (école normale) et un foyer pour vieillards. Démoli en 1981, le couvent a été remplacé par l’Édifice Youville (HLM) construit au même endroit, rue Dumouchel.
Émilie Berthelot-Girouard a connu une existence si considérable qu’un parc porte son nom à Saint-Benoît, depuis 1999. En 2005, la section Jean-Olivier-Chénier de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal l’a consacrée, à titre posthume, Patriote de l’année.